Le Picon-bière, ce cocktail emblématique de l’Est de la France, cache derrière son goût amer et sucré un savoir-faire qui traverse les générations. Originaire de Marseille, ce mélange de bière et de liqueur de gentiane a été adopté par les Alsaciens qui en ont fait une spécialité régionale. Le secret de cette boisson réside dans le dosage précis et la sélection de la bière qui l’accompagne.
Dans chaque bistrot, derrière chaque comptoir, la recette se transmet en catimini, comme un mot de passe entre initiés. Ceux qui apprécient le Picon-bière guettent la première gorgée, savourent la rencontre subtile de l’amertume et de la douceur, pleinement conscients que ce moment va bien au-delà d’une simple dégustation. Ici, la tradition respire la fraternité, et ce goût devient un trait d’union entre générations attablées, soir après soir.
Les origines du Picon : de la médecine à l’apéritif
L’histoire du Picon commence loin des tablées animées et des comptoirs bruyants. Retour en 1837 : Gaétan Picon, militaire en Algérie, compose alors un élixir à base de gentiane, d’écorce d’orange et de quinquina pour lutter contre les fièvres tropicales. Né à Gênes en 1809, établi à Marseille dès 1815, cet homme doit son parcours à sa débrouillardise et à une insatiable curiosité. À l’origine pensé comme remède, son breuvage prend très vite une tout autre destinée.
De Philippeville à Londres : le succès commercial
Philippeville, aujourd’hui Skikda, sert de décor au lancement du Picon sur le marché. L’accueil est immédiat, l’intrigue opère. Et en 1862, l’expo universelle de Londres lui attribue une médaille de bronze, offrant à la boisson une renommée au-delà des frontières. Ce coup d’éclat ouvre la voie à une diffusion élargie, posant les jalons d’un produit qui s’imposera partout en France.
Un héritage marseillais
Au retour en métropole, Gaétan Picon s’installe à Marseille pour affiner sa recette. Dans la cité phocéenne, la tradition prend racine. Le Picon change alors de vie : d’usage médical, il devient bientôt l’invité star des moments conviviaux, trouvant dans l’association avec la bière une alliance féconde. Ce duo aux accents marseillais continue, encore aujourd’hui, d’incarner un certain art de vivre à la française.
Pour suivre l’évolution de cette aventure singulière, il suffit de retenir ces repères :
- Picon : créé en 1837 par Gaétan Picon en Algérie.
- Gaétan Picon : né à Gênes en 1809, installé à Marseille dès 1815.
- Philippeville : première vente du Picon en 1837.
- Londres : médaille de bronze à l’exposition universelle de 1862.
Le mariage du Picon et de la bière : une tradition française
L’association du Picon et de la bière ne doit rien au hasard : elle s’est imposée dans le patrimoine du Nord et de l’Est. À Dunkerque, la création d’une amicale du Picon-bière en 2014 par Romain et Alex illustre l’attachement à cette tradition. Leur volonté ? Préserver et transmettre le goût authentique du Picon-bière, véritable symbole régional.
Un rituel convivial
Dans les estaminets du Nord, la préparation suit un rituel précis : on verse d’abord le Picon, puis la bière, chaque étape comptant autant que la dégustation elle-même. Ce geste, répété au fil des décennies, résume à lui seul l’hospitalité du lieu. Interrogé sur le sujet, Romain explique : « Le Picon-bière, c’est plus qu’une boisson, c’est un moment de vie. » Le ton est donné, la relève est assurée.
Un goût authentique
Entre la note d’orange et l’amertume signature du Picon, la bière s’invite pour enrichir l’expérience. Certains brasseurs se consacrent même à élaborer des bières optimisées pour ce mariage, preuve que la tradition se renouvelle sans jamais perdre son âme. Le mélange, à la fois franc et subtil, séduit les amateurs, génération après génération.
Pour mieux appréhender ceux qui font vivre cette tradition, voici les points à retenir :
- Dunkerque : berceau d’une amicale dédiée au Picon-bière.
- Romain et Alex : fondateurs de cette amicale fière de porter haut les couleurs du Picon-bière.
- Tradition : le Picon-bière, illustration même du partage et d’une convivialité populaire.
Le Picon Bière aujourd’hui : un succès intemporel
Le Picon, avec ses reflets ambrés et ses arômes de gentiane, poursuit son chemin porté par le groupe Moet Hennesy Diageo, poids lourd des spiritueux. Avec ce changement de main, le Picon a confirmé sa place sur les tables et dans les souvenirs. Les chiffres de vente, loin de s’essouffler, témoignent de la vigueur intacte de l’engouement pour cette boisson singulière.
Une icône du cinéma français
Le Picon-bière a gagné ses galons de mythe en s’invitant sur les écrans. Jean Gabin et J. P. Belmondo, dans « Un singe en hiver », prennent le temps de trinquer, signant l’un des plus beaux hommages à cette boisson. Michel Audiard, dialoguiste légendaire, offre au Picon-bière une réplique gravée dans la mémoire collective. En l’espace de quelques plans, la boisson rejoint la galerie des symboles populaires, tout en finesse et en caractère.
Un engouement renouvelé
Le Picon-bière n’a jamais autant fait parler de lui. Les jeunes adultes, épris de saveurs franches, redonnent vie à la tradition. Dans les brasseries artisanales, on expérimente de nouvelles recettes où le Picon tient la vedette, preuve que la recette résiste sans peine à l’épreuve du temps. La tradition se transmet, mais elle ne cesse aussi de se réinventer.
Pour mémoire, voici quelques figures et faits qui ont façonné la légende :
- Groupe Moet Hennesy Diageo : détenteur du Picon aujourd’hui.
- Jean Gabin et J. P. Belmondo : duo légendaire popularisant le Picon-bière dans « Un singe en hiver ».
- Michel Audiard : auteur de la formule devenue inoubliable sur le Picon-bière.
Le Picon-bière ne s’efface pas dans le rétroviseur : il continue de suivre son chemin, liant parfois la nostalgie des habitués à la soif de découverte des novices. On comprend vite pourquoi tant de gens finissent par rêver d’un moment à une terrasse, un Picon-bière à la main, pour savourer ce plaisir vivant qui, génération après génération, refuse de s’éteindre.


